L’Observatoire Togolais des Médias (OTM) a publié ce vendredi 03 Mai à Lomé, un nouveau rapport sur l’état de la presse au Togo. Le document de 13 pages fait le bilan des douze derniers mois de l’exercice de la profession de journaliste dans le pays. L’instance d’autorégulation des médias note que dans l’ensemble, entre le 03 Mai 2018 et le 03 mai 2019, il n’y a pas eu de changement majeur au Togo dans le domaine des médias.
Elle relève cependant que l’environnement médiatique togolais est fortement dépendant du contexte national et des acteurs politiques ; Ceci, au regard des différents rapports non seulement entre journalistes, mais également entre ces derniers et d’autres entités notamment le Gouvernement, les forces de l’ordre et de sécurité ou encore la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC).
« Au fil de l’année écoulée, le Gouvernement, la HAAC, l’OTM, les organisations de presse ont essayé, chacun à son niveau, de contribuer à l’enracinement de la liberté de la presse et à la professionnalisation du métier », indique le rapport qui précise par ailleurs que « des efforts sont encore à faire, surtout dans la vision de la création de véritables entreprises de presse ».
Des recommandations sont également formulées notamment à l’endroit des différents acteurs qui interviennent dans le domaine de la presse et de la communication au Togo.
Il faut souligner que la publication de ce rapport placé sous le thème « Médias pour la démocratie : le journalisme et les élections en période de désinformation » intervient à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse célébrée le 03 Mai de chaque année.
Nous vous proposons l’intégralité du rapport de l’OTM :
INTRODUCTION
Dans tous les pays qui se veulent respectueux des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales en l’occurrence celles liées à la liberté d’expression, il se commémore le 03 mai de chaque année la Journée Internationale de la liberté de la Presse, célébration instituée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993.
Aussi au Togo, les professionnels des médias ne dérogent-ils pas à la tradition, et cette date est une occasion pour les journalistes, techniciens de la communication et responsables des médias de faire le bilan des douze derniers mois de l’exercice de leur profession. Il s’agit d’exposer les conditions de travail et de vie des professionnels des médias, d’évoquer les entraves au libre exercice du métier s’il y en a, puis de passer au peigne fin les différents dérapages enregistrés dans la corporation.
Dans l’ensemble, depuis le 3 mai 2018 à ce jour, il n’y a pas eu de changement majeur au Togo dans le domaine des médias. Toutefois, les différents rapports que nous avons entretenus entre nous, avec le gouvernement, les forces de l’ordre et de sécurité, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) l’institution de régulation et l’Observatoire Togolais des Médias (OTM), l’instance d’autorégulation, nous permettent de faire l’Etat des lieux d’un environnement médiatique fortement dépendant du contexte et des acteurs politiques.
Les recommandations que nous allons formuler ici permettront à chaque acteur de se corriger à l’avenir pour une liberté de la presse pleine mais aussi et surtout pour une presse responsable, actrice fondamentale de la démocratie et du développement au Togo.
I – ETAT DES LIEUX
1.1 Contexte international
Cette année, la journée mondiale de la liberté de la presse met l’accent sur le rôle des journalistes dans les élections et la démocratie. En effet, le thème général de la célébration 2019 est « médias pour la démocratie : le journalisme et les élections en période de désinformation ». La manifestation principale se déroule à Addis-Abeba en Ethiopie ce 3 Mai et va plancher sur l’importance de la liberté de la presse et rappeler aux gouvernements leur obligation de respecter et faire respecter ce droit.
En 2019, au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières (RSF) publié chaque année depuis 2002, le Togo progresse de 10 places et occupe le 76ème rang sur 180 pays classés. Le Togo est ainsi le 6ème meilleur pays de la liberté de presse en Afrique de l’Ouest derrière le Ghana (27), le Burkina (36), le Sénégal (49), le Niger (66) et la Côte d’Ivoire (71).
Ce classement, une photographie de la situation de la liberté de la presse, est fondé sur une appréciation du pluralisme, de l’indépendance des médias, de la qualité du cadre légal et de la sécurité des journalistes dans chacun des 180 pays.
Selon RSF « le Togo dispose d’un paysage médiatique foisonnant, mais les médias d’Etat peinent encore à fournir une véritable information de service public. La dépénalisation des délits de presse est acquise depuis 2004, et les organisations professionnelles de journalistes disposent d’une importante capacité de mobilisation pour défendre la presse lorsque cette dernière est attaquée. La situation de la liberté de la presse est toutefois fortement dépendante du contexte politique ».
L’organisation internationale créée en 1985 croit savoir que « la professionnalisation du secteur, la protection des sources et des journalistes – notamment lors des manifestations – et l’accès à des ressources financières plus importantes pour assurer la viabilité économique des médias constituent les principaux enjeux du futur Code de la presse actuellement à l’étude ».
1.2 Médias publics
Composés de la Télévision Togolaise (TVT), de Radio Lomé, de Radio Kara, du quotidien national Togo-Presse, de l’Agence Togolaise de Presse (ATOP) et de quatre radios rurales (à Notsè, Kévé, Pagouda et Dapaong), les médias publics se battent au quotidien pour donner une meilleure visibilité à l’Etat togolais en dépit des conditions de vie et de travail très précaires des journalistes et techniciens qui y travaillent. Avec beaucoup de jeunes acteurs formés dans des écoles locales des métiers de journalisme, le traitement de l’information au sein des médias publics se fait de plus en plus de façon professionnelle malgré des pesanteurs politiques de tout bord.
La transformation des médias publics en office est restée toujours à l’étape de projet. De même, la modernisation à l’issue de laquelle les médias audiovisuels, notamment la TVT, radio Lomé et radio Kara devraient passer de l’analogique au numérique, n’est pas encore effective.
Les efforts de l’Agence Togolaise de Presse pour se maintenir en ligne tout en présentant un bulletin au quotidien n’ont pas abouti par manque de moyens.
Par contre, Togo-Presse fait des efforts pour être en ligne en plus de la parution quotidienne et régulière du journal papier. Cependant, il est à regretter que la « Une » du quotidien national souffre toujours d’illustrations diversifiées, faisant entorse à la recherche de la qualité sur un marché hautement concurrentiel.
1.3 Médias privés
Depuis la libéralisation de la presse en 1989, le Togo connait une prolifération de médias, la liberté de presse étant garantie par la Constitution. Aujourd’hui, en matière de médias privés le pays compte globalement 78stations de radios, 7 chaines de télévisions, environ 180journaux qui paraissent plus ou moins régulièrement, dont des parutions indépendantes et des publications institutionnelles. On compte également 3 agences de presse, une centaine de presse en ligne et des blogs.
Sur le plan de la qualité, les médias privés toutes catégories confondues, sont alignés et bipolarisés. Dans la plus grande ignorance des règles qui régissent la profession, la plupart des journalistes du privé sont guidés parfois par des préoccupations politiques et mercantiles. Face à l’absence d’annonceurs pour acheter des espaces publicitaires et à la mévente, l’on assiste à la floraison des articles appelés « articles recommandés » au sein de la presse écrite, ou des prises de position dites « missionnées » dans l’audiovisuel.
Au niveau de la presse écrite, l’on note une nette amélioration de la présentation des journaux. Le graphisme a nettement changé et les « une » de la majorité des publications sont en quadrichromie. Mais reste à déplorer la persistance des coquilles et surtout des fautes de grammaire, d’orthographe et de style. Il en est de même pour la presse en ligne.
Les radios et télévisions privées, de leur côté ; font des efforts considérables pour être à la pointe de la technologie et des nouvelles exigences du marché.
Toutefois, elles sont également confrontées à l’absence d’annonceurs alors qu’elles doivent faire face aux frais de redevance sur les fréquences et pour les droits d’auteurs. En dépit de cette situation difficile pour les radios et chaînes de télévisions, celles-ci doivent redoubler d’efforts pour la qualité de la production des émissions débats et interactives.
1.4 Medias internationaux
Il s’agit des représentations d’agences et médias internationaux (RFI, BBC, la Voix d’Amérique, l’AFP, PANA Press, Xinhua et bien d’autres).
1.5 Les organisations de Presse
Les organisations professionnelles de presse sont multiples, diversifiées et pour la plupart également alignées.
Au niveau des médias d’Etat, on dénombre deux syndicats : le Syndicat des Agents de l’Information Techniciens et Journalistes des Organes Publics (SAINTJOP) et le Syndicat Libre de la Communication (SYNLICO).
S’agissant des médias privés, l’on note des organisations patronales, notamment le Conseil National des Patrons de Presse (CONAPP), le Patronat de la Presse Togolaise (PPT), le Conseil Togolais des Editeurs de Presse (CTEP); l’Union des Radios et Télévisions Libres (URATEL), l’Union des Télévisions Privées (UTEP).
Pour les journalistes, ilexiste une association, l’Union des Journalistes Indépendants du Togo (UJIT) et un syndicat, le Syndicat des Journalistes Indépendants du Togo (SYNJIT). Pour la presse en ligne, on note l’existence de deux organisations ; l’Association Togolaise de la Presse Privée en ligne (ATOPPEL) et l’Organisation Professionnelle des Presse en Ligne (OPPEL).
Les organisations thématiques telles que les réseaux et les unions de journalistes dans divers domaines ne sont pas du reste.
Et pourtant, aux états généraux de la presse tenus à Kpalimé en 2014, il a été recommandé que toutes ces organisations se regroupent en une seule pour les patrons d’un côté et une autre pour les employés. Malheureusement, cinq ans après, rien n’est fait.
1.6 Régulation et Autorégulation
La régulation des médias au Togo relève de la compétence de la HAAC qui s’autosaisit ou qui reçoit les plaintes des citoyens qui la saisissent sur des sujets jugés préjudiciables. Une nouvelle loi organique de la HAAC qui réorganise le fonctionnement de l’institution de régulation et intègre dans ses prérogatives la presse en ligne a été adoptée par l’Assemblée nationale et promulguée par le chef de l’Etat le 10 décembre 2018.
L’autorégulation est assurée par l’OTM qui est le Tribunal des pairs mis en place par les journalistes eux-mêmes depuis le 5 novembre 1999. L’observatoire est saisi sur plainte d’un citoyen ou d’une personne morale. L’OTM doit également s’autosaisir sur certains sujets, publications ou diffusions qui violent l’éthique et la déontologie.
1.7 Aide de l’Etat à la presse
Un appui de l’Etat à la presse est versé aux médias privés chaque année. Mais cette aide qui est passée, depuis quatre ans, de 75 à 100 millions de FCFA, est jugée très insuffisante par les bénéficiaires. En effet, aux états généraux de la presse tenus en 2014, il a été recommandé que cette aide puisse être portée à 800 Millions de FCFA au regard des difficultés que traverse la presse privée. La subvention de l’Etat à la presse privée est prévue dans la Constitution togolaise. Bien que la loi portant Code de la Presse et de la Communication fixe les modalités d’octroi de cette aide, le décret d’application n’a toujours pas vu le jour.
II – RAPPORTS INSTITUTIONS, MEDIAS ET JOURNALISTES
2.1Médias/Gouvernement
Les médias entretiennent des rapports plus ou moins cordiaux avec le gouvernement et ses représentants. Les médias, toutes tendances confondues, sont régulièrement sollicités par les pouvoirs publics pour la couverture des événements à caractère national ou international. Durant les douze derniers mois, il s’est agi notamment du dialogue entre le gouvernement et la Coalition des 14 partis politiques de l’opposition sous le parrainage de la CEDEAO, du
31ème Sommet de la Conférence des Chefs d’Etat de la CEDEAO tenu à Lomé, le 31 juillet 2018, des élections législatives du 20 décembre 2018.
Le gouvernement a également invité la presse à accompagner la vulgarisation du Plan National de Développement (PND) 2018-2022.
2.2 Médias / forces de l’ordre et de sécurité
L’on peut dire que les relations entre la presse et les forces de sécurité s’améliorent mais ne sont pas encore totalement au beau fixe. Il faut saluer la promptitude avec laquelle le ministre de la Sécurité et de la Protection Civile répond aux sollicitations de l’OTM ou des journalistes dans leur ensemble face aux cas de menaces sur la sécurité des professionnels des médias sur leurs lieux de travail.
Néanmoins des agressions ou des voies de fait ont été constatées ces derniers moments sur des journalistes.
L’OTM a été saisi en effet de deux faits graves touchant les relations conflictuelles entre les forces de sécurité et les journalistes.
Dans le premier cas, l’OTM a reçu une plainte du Journal satirique SIKA’A pour signaler « les mésaventures d’un journal » indiquant que l’un de ses reporters s’est retrouvé, le 8 mars dernier, à la présidence de la République et a eu maille à partir avec les forces de sécurité des lieux, qui lui auraient infligé des traitements inhumains et dégradants. Remis à la Direction de la Policière Judiciaire, il a été soumis à des interrogatoires avant d’être conduit le lendemain au siège du Journal SIKA’A où une perquisition a été faite.
Le deuxième cas est celui d’un journaliste de la radio Kanal FM qui a eu une main écrasée par la porte d’entrée du stade municipal de Lomé que fermaient violement les forces de sécurité des lieux alors que des journalistes cherchaient à s’y réfugier suite à la dispersion de la manifestation du MMLK organisée pour réclamer le départ du sélectionneur des Eperviers le 6 avril 2019.
2.3 Médias / OTM
L’Observatoire se félicite de l’amélioration de ses rapports avec les journalistes qui sont désormais prompts à répondre à ses invitations.
L’OTM a ainsi œuvré au règlement à l’amiable de certains conflits nés entre des professionnels des médias et des citoyens ou entités morales. Ainsi, des différends qui auraient pu être portés devant les tribunaux ont été réglés à l’amiable grâce au plaidoyer de l’Observatoire.
En effet, cette année encore plusieurs directeurs de publication ont été convoqués, par la brigade Antigang le Service Central de Recherches et d’Investigations Criminels (SCRIC) ex-SRI de la Gendarmerie sur plaintes de certains citoyens qui se sont sentis lésés ou diffamés par certains articles de presse.
L’OTM dans ses démarches a pu faire ce qui est de son mieux pour que les confrères convoqués ne puissent pas être gardés à la gendarmerie. D’autres affaires en justice ont pu être ramenées au niveau de l’OTM pour être traitées comme il le faut. L’Observatoire est intervenu directement auprès des plaignants en leur demandant un règlement à l’amiable, même si ceux-ci ont déjà engagé des procédures judiciaires.
De même, il faut faire remarquer que certains journalistes ont été de bons élèves, respectant les textes qui régissent la profession et publiant ou diffusant régulièrement les communiqués sanctionnant les audiences du Tribunal des pairs.
L’OTM a entrepris d’effectuer des visites de travail dans certaines stations de radios qui animent les émissions-débats. Ces tournées ont effectivement commencé avec Taxi FM et Pyramide FM et vont toujours se poursuivre afin d’avoir une meilleure animation de ces émissions-débats.
A signaler que, la plus grande difficulté organisationnelle qu’éprouve l’OTM à bien faire son travail est le refus de beaucoup de médias de faire le dépôt de leurs parutions ou de leurs grilles des programmes au siège du Tribunal des pairs, en dépit des multiples rappels. Pour relancer les responsables d’organes et faciliter la tâche à l’OTM dans son travail de monitoring des médias, des courriers ont été envoyés aux directeurs de publication afin qu’ils postent la « UNE » électronique de leurs parutions par WhatsApp sur un numéro qui leur est communiqué en attendant le dépôt de la version papier du journal au siège.
2.4 Médias / HAAC
Les relations entre la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication et les journalistes se sont elles aussi, beaucoup améliorées. Des rencontres et échanges entre la HAAC et les patrons de presse se déroulent dans une ambiance plus conviviale et empreinte de courtoisie qu’auparavant où les patrons de presse se sont toujours plaints du caractère conflictuel des audiences qu’ils étaient amenés à avoir avec la HAAC.
L’instance de régulation des médias a organisé des rencontres d’échanges et publié plusieurs fois des communiqués pour dénoncer la violation des règles de journalisme et rappeler les médias au respect des règles d’éthique et de déontologie mais aussi des textes de loi en vigueur.
Mis à part le retrait du récépissé du journal « La Nouvelle » le 25 mars 2019 sur la base d’une décision du tribunal de Première Instance de Lomé, la HAAC n’a engagéaucune procédure de sanction contre un média depuis le 3 mai 2018.
Cependant, l’organe de régulation a régulièrement invité les médias au respect de l’éthique et de la déontologie puis rappelé aux propriétaires de radios et de télévisions, leur obligation de renouvellement de leurs fréquences.
2.5 Médias / société civile et partis politiques
Les relations entre les médias et les partis politiques qui se sont dégradées à la faveur de la crise politique née depuis le 19 Août 2017 ne sont pas encore au beau fixe. Plusieurs médias sont accusés par les responsables ou militants des formations politiques de parti-pris ou de partialité envers l’un ou l’autre camp.
Certains n’hésitent pas à accuser les journalistes d’être à la base de la crise de la C14 à travers leurs écrits et commentaires.
Avec les membres de la société civile, les relations sont demeurées bonnes.
2.6 OTM / HAAC
L’instance de régulation des médias au Togo (HAAC) et l’organe d’autorégulation (OTM) entretiennent, en principe, une relation de complémentarité et luttent ensemble pour le respect des règles d’éthique et de déontologie pour une presse plus professionnelle et responsable.
2.7 Médias / médias : confraternité
Les règles de la confraternité, qui interdisent les attaques entre confrères et par médias interposés, ne sont toujours pas respectées, mettant à mal la bonne entente qui doit exister entre les professionnels des médias.
Mais depuis le 3 mai dernier, les règles de la confraternité n’ont pas été bafouées, l’OTM n’ayant enregistré aucune attaque entre confrères par media interposé, même si sur les réseaux sociaux des journalistes s’en prennent à leurs confrères régulièrement.
III. DERAPAGES ET ATTEINTES A LA LIBERTE DE PRESSE
La HAAC et l’OTM ont dû réagir voire sévir quelques fois pour ramener les confrères sur le chemin du professionnalisme à cause de plusieurs dérapages dus à l’inobservation des textes régissant la profession des journalistes. Quant à l’atteinte à la liberté de la presse, elle est constituée des obstacles qui sont faits aux journalistes dans l’exercice de leur profession.
3.1 Dérapages traités
3.1.1 Par la HAAC
Suite aux diverses violations répétées des règles d’éthique et de déontologie, qui ont suscité des plaintes à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), deux mises en garde ont été infligées aux journaux « La Nouvelle » et « l’Estrade ». Une suspension d’un mois au journal « La Nouvelle » dont le récépissé de déclaration de parution a fait l’objet d’une ordonnance de retrait du président du Tribunal de Première Instance de Lomé le 10 décembre 2018.
En effet, de nombreux dérapages relevés, notamment dans la presse écrite, ont conduit le collège des membres de la HAAC, suite aux rapports du service Monitoring, à se saisir de certains dossiers et à auditionner des directeurs de publication, en vue de leur faire prendre conscience des graves erreurs professionnelles qu’ils commettent. Trois (3) Directeurs de publication, ont été auditionnés sur des articles jugés « diffamatoire et non équilibré » ou encore «tendancieux et comportant des informations non vérifiées ».
La HAAC a reçu et instruit quelques plaintes (4) contre des journaux pour «diffamation et accusation grave », « diffamation, mensonges » ou encore «diffusion de fausses informations ». Après audition des responsables de ces journaux incriminés, la HAAC a adressé une mise en garde contre les journaux assortie d’un rectificatif à publier dans le prochain numéro. Pour d’autres, elle a invité les plaignants à transmettre un « droit de réponse » au journal, disposé à le publier.
La HAAC a organisé aussi des formules de sensibilisation au respect de la déontologie et de l’éthique professionnelle et de rappel à l’ordre des médias en cas de violations. Il s’est agi de sessions pédagogiques à l’endroit des journaux incriminés au cours desquelles, la HAAC a mis en exergue les erreurs commises, les précautions qui auraient pu être prises, les figures diverses d’expression et genres journalistes, l’objectif étant de faire prendre conscience aux auteurs, du préjudice causé à un tiers par le contenu de leurs articles et de leurs émissions.
3.1.2 Par l’OTM
L’Observatoire Togolais des Médias a également eu à auditionner des directeurs d’organe par rapport à leurs publications ou diffusions, soit sur des plaintes de diffamation, de demande de réparations, soit sur auto saisine. Du 03 mai 2018 à ce jour, ce sont au total 10 audiences qui ont été tenues et plus d’une vingtaine d’autres cas réglés par échanges.
Certains ont été écoutés pour des problèmes de diffamations, de manquements professionnels, d’atteinte à l’honneur, de publication de fausses informations, etc.
3.2 Atteintes à la liberté de presse
Dans la rubrique d’entraves au libre exercice du métier de journalisme, l’OTM a constaté que des confrères ont été empêchés de couvrir certaines manifestations politiques. Les journalistes ont été violentés, blessés et d’autres ont vu leurs matériels de travail endommagés ou confisqués.
L’OTM a déploré aussi le comportement des militants de certains partis politiques qui menacent des journalistes qui animent des émissions-débats sur des radios.
Tout récemment, l’Observatoirea constaté que les responsables de la Radio Taxi
FM, ont pris sur eux la responsabilité de suspendre l’émission « Taxi Presse » qui passe de 11h 05 à 12heures 35 de lundi à vendredi. Le Manager Général de cette radio a évoqué des menaces sur sa personne venant de certains auditeurs.
Il faut souligner que cette suspension relève d’un problème organisationnel interne à la radio.
Certains journalistes ont attiré ces derniers temps l’attention de l’OTM sur le fait que leur sécurité était menacée en lien avec leur profession. Ce qui amène l’Observatoire à s’interroger sur la nature du forfait commis par des individus non identifiés sur le véhicule du Directeur de Publication de « Flambeau des Démocrates » à la devanture du siège du journal.
L’OTM condamne vigoureusement de tels actes qui portent atteinte à la liberté de presse prescrite par la Constitution togolaise.
- RECOMMANDATIONS
Au vu du présent rapport et dans le but d’améliorer les conditions de travail des journalistes au Togo et professionnaliser le métier, l’OTM recommande :
4.1 Au gouvernement
- Donner plus de moyens techniques et logistiques aux médias publics et améliorer l’environnement de travail des journalistes du secteur public.
- Poursuivre et achever dans un meilleur délai le processus de la transformation des medias publics en office.
- Procéder à la nomination définitive des responsables des médias publics pour plus d’efficacité dans la gestion desdits organes.
- Prendre les décrets d’application relatifs à la subvention de l’Etat à la presse sur la base des critères définis par le Code de la Presse et de la Communication.
- Accorder une aide spéciale substantielle à la presse en période électorale.
- Assurer davantage la protection des journalistes sur les lieux de manifestations publiques.
4.2 A la HAAC
- Mettre en place un mécanisme de consultation périodique entre la HAAC et les organisations professionnelles des médias.
- Faciliter une meilleure compréhension et application des décisions touchant à la corporation à travers des séminaires et des ateliers de renforcement de capacité des responsables des médias.
- Réactiver le processus de co-régulation formelle HAAC – OTM.
4.3 A L’OTM
- Continuer à vulgariser le code de déontologie des journalistes du Togo
- Inciter les journalistes à s’approprier et à respecter le Code de déontologie.
- Veiller aux respects des règles de confraternité
- Mieux faire connaitre l’OTM aux journalistes et à la société civile.
- Encourager les organisations de presse à l’union.
4.4 A la presse et aux journalistes
- Respecter les dispositions du Code de la Presse et de la Communication et celles du Code de déontologie des journalistes du Togo.
- Prendre conscience de la responsabilité sociale des médias et œuvrer pour l’apaisement, le développement et le rayonnement du Togo.
- Faire preuve de professionnalisme et de responsabilité sur les lieux de reportage et particulièrement lors des manifestations publiques.
- Eviter de prendre des risques qui pourraient mettre en danger leur sécurité et celle de leur matériel de travail.
- Faire preuve de discernement par rapport aux informations véhiculées sur les réseaux sociaux.
- Privilégier les règles de confraternité et de responsabilité avant tout propos, publication ou diffusion.
- Collaborer en bon partenaire avec l’OTM et la HAAC.
- Se référer au tribunal des pairs (OTM) pour tout litige entre confrères.
4.5 Aux organisations de presse
- Œuvrer à l’amélioration des conditions de vie des journalistes et à la signature de la convention collective.
-Œuvrer à la mise en œuvre des recommandations des états généraux de la presse quant à l’union des organisations de presse.
- Encourager la transformation des organes de presse en entreprises de presse.
4.6 A la société civile et aux partis politiques
- Eviter d’invectiver les journalistes pendant les manifestations publiques.
- S’abstenir de retirer du matériel de travail des journalistes pendant les manifestations.
- Eviter d’appeler ou d’exhorter les manifestants à s’attaquer aux professionnels des médias partout ailleurs.
- Respecter les lignes éditoriales des organes de presse et d’information.
4.7 Aux forces de l’ordre et de sécurité
- Assurer la protection des journalistes sur les lieux de reportages lors des manifestations publiques et politiques.
- S’abstenir des traitements inhumains et dégradants sur les journalistes.
- Ne pas considérer les journalistes comme des ennemis sur les lieux de reportage.
- Poursuivre les échanges avec la presse à travers les rencontres formelles (séminaires et formations) et informelles (activités sportives et culturelles).
CONCLUSION
L’année que nous venons de vivre a démontré à plusieurs égards que la presse, faudrait-il encore le rappeler, reste un pilier de la démocratie et un baromètre de la bonne gouvernance dans notre pays. Le rapport 2019 de RSF du moins en ce qui concerne le Togo est édifiant à ce propos. Les lignes précédentes du présent rapport renseignent que la presse peut être de meilleure qualité au Togo si tous les acteurs jouent correctement leur partition. Qu’ils en soient remerciés et encouragés à poursuivre leurs efforts.
Au fil de l’année écoulée, le gouvernement, la HAAC, l’OTM, les organisations de presse, ont essayé, chacune à son niveau, de contribuer à l’enracinement de la liberté de la presse et à la professionnalisation du métier. Des efforts sont encore à faire, surtout dans la vision de la création de véritables entreprises de presse car, seuls, des organes de presse économiquement solides et viables pourront sortir les journalistes de la précarité et la misère dans lesquelles ils végètent depuis des lustres. Les manquements, les dérapages et autres dérives constatés cette année découlent en partie, si ce n’est en totalité, de l’inexistence de cette condition.
Les projets de formation de journalistes à l’ISICA à travers le PROFAMED initiés par le gouvernement sont à saluer. C’est une autre forme de l’aide de l’Etat à la presse. L’OTM en appelle à d’autres projets similaires dans d’autres secteurs du journalisme pour plus de professionnalisme.
La presse en ligne qui prend de plus en plus de l’importance dans l’espace médiatique de notre pays est un vaste chantier qui doit intéresser le gouvernement pour préserver la paix et promouvoir le développement. La nouvelle loi organique sur la HAAC intégrant les médias en ligne est aussi à saluer.
Le Togo s’apprête à organiser deux élections dans les 12 mois à venir. La presse sera à l’œuvre, comme toujours, avant, pendant et après ces deux scrutins très importants pour la vie de la nation. Les tensions politiques seront peut-être, une fois encore, exacerbées. Pendant ces heures difficiles de la pratique du métier, les journalistes doivent se référer à leur responsabilité sociétale et en se référant à l’une de leur première mission, celle d’informer conformément au code de la presse et de la communication puis en étant guidé que par l’éthique et la déontologie. Le journaliste togolais n’en sortirait que grandi.
Fait à Lomé le 03 mai 2019
L’OTM